Fabriquer ses outils

Ce site de recherche (https://cabanesdesavoirs.vercel.app/) a pour but de documenter le processus de recherche du projet.

Pourquoi bricoler ses propres outils ?

(ré)appropriation de savoirs

Là où les technologies numériques ont bouleversé le champs du graphisme, l'apparition des interfaces graphiques, invisibilisant la structure du code des logiciels a entraîné la monopolisation des logiciels créatifs par quelques grandes firmes. Ainsi, en louant leurs licences, les graphistes se retrouvent aux prises du modèle économique, politique et esthétique d'Adobe, interrogeant la place du·de la créatif·ve dans sa dépendance aux outils. C'est dans ce cadre que Nicolas Taffin, graphiste et enseignant, affirme que « c'est au moment où un outil n'est plus la propriété de l'artisan qu'il devient ouvrier1».

la technique comme terrain de jeu

Dès lors, s'approprier la programmation permet d'inventer et de façonner ses propres outils dans une autonomie relative, entendue comme « un idéal sans cesse réengagé, un élan, un mouvement, dont l'outillage et l'équipement doivent être régulièrement vérifiés, expérimentés, réinventés2». Cette autonomie vis-à-vis d'Adobe nécessite une mutualisation du design nécessitant de « mettre ce qu'on fait à disposition d'une communauté3». L'espace du web devient alors un « outil de travail » ainsi que le « support final de la publication4».

Pourquoi documenter ?

Culture du libre

Depuis les années 1980 aux États-Unis, des développeurs informatiques se rassemblent et travaillent ensemble dans l’optique de faire émerger des logiciels dit « libres » dont le code ouvert permet d’être copié, modifié et distribué. Initié par Richard Stallman, ce mouvement naît « en réaction à l’appropriation privative du code informatique par les entreprises » (Broca & Coriat, 2015 : 266) entendues comme les « ennemi[e]s d’une certaine philosophie du don » (Oliveri, 2011 : 111). Ce faisant, ils dénoncent le régime de propriété intellectuelle et s’inscrivent dans le mouvement des communs, par le rejet de la propriété privée et de la concurrence (Laval et al., 2019 : 5). Le mouvement s'inscrit en accord aux principes de l'éthique du hacker5, dont la règle 0 prescrit l'ouverture du code source du logiciel.

Le partage de code fonctionne sur la base d’un système de réciprocité dont la documentation garantie les trois conditions du don définit par Mauss : donner, recevoir et rendre. Documenter facilite l'usage et le détournement des programmes en partant du principe « que les bénéfices sociaux de l’informatique sont bien moindres lorsque les utilisateurs se voient privés des libertés d’utiliser, de copier, de modifier et de distribuer les logiciels qu’ils utilisent. » (Broca & Coriat, 2015 : 268). Autrement dit, « avoir des outils ouverts qui sont développés et partagés sur un mode collectif garantit implicitement un accès équitable aux moyens éditoriaux et favorise ainsi la liberté d'expression6 ».

Documentation succinte des outils

site de recherche

Ce site est réalisé avec mkdocs, un générateur de site statique conçu pour la documentation. L'écriture des pages s'effectue en Markdown ayant une syntaxe simple facilement convertissable en html. Les fichiers sont accessibles sur GitLab : https://gitlab.com/westseal/cabanesdesavoirs.

Ressources

Cabanesdesavoirs-ressources (pas encore publié) récupère les références bibliographiques de mes lectures enregistrées dans le logiciel libre zotero via son API à l'aide de la librairie Python PyZotero.

Références

La page références pratique regroupant les pratiques qui m'inspirent est généré depuis un tableur sur Libre Office, exporté en html. Je travaille sur una autre version plus souple en récupérant directement les données du tableur.

Page de notes

La page : https://cabanesdesavoirs.vercel.app/pagerecherche.html est une page écrite en langage Markdown dans le logiciel d'édition Zettlr associée à une feuille de style CSS qui lui attribue sa mise en forme une fois exportée en html.

Documenter le projet

En s'inscrivant dans la continuité du mouvement libriste, j'estime que montrer la recherche telle qu'elle se fait garantie la transparence du processus créatif; doutes, mises à jour, changements graphiques... Le design est assimilé au geste d'écriture du code dont son ouverture et sa diffusion donne à voir sa structure. D'une manière générale, le processus d'écriture du projet comme de son site de documentation actualise sans cesse la question posée par Vilèm Flusser, à savoir "quelle forme dois-je donner à ces projets pour que ceux qui viendront après moi puissent les utiliser aux fins de leur propre progression et soient aussi peu gênés que possibles dans celle-ci ?7". Il s'agit d'expérimenter un autre usage du web proche de l'idée initiale caractérisé par son premier slogan : "Let's Share What We Know".

Lectures

Broca, S., & Coriat, B. (2015). Le logiciel libre et les communs : Deux formes de résistance et d’alternative à l’exclusivisme propriétaire. Revue internationale de droit économique, t. XXIX(3), 265-284. https://doi.org/10.3917/ride.293.0265

Oliveri, N. (2011). Logiciel libre et open source : Une culture du don technologique. Quaderni, 76, 111-119. https://doi.org/10.4000/quaderni.139

Jollivet, P. (2002). Compte rendu libre de l’ouvrage de Pekka Himanen L’Éthique Hacker, 2001, Exils.

Laval, C., Sauvêtre, P. & Taylan, F. (2019). Introduction. Dans : Christian Laval éd., L'alternative du commun (pp. 5-24). Paris: Hermann. https://doi.org/10.3917/herm.laval.2019.01.0007"

Blanc, J., Maudet, N., Renon, A.-L., & Grootens, J. (2022). Graphisme en France n°28—Création, outils, recherche(CNAP).

Cramer, F. (2011). Lire à l’écran : Contributions du design aux pratiques et aux apprentissages des savoirs dans la culture numérique. B42.

Donnot, K., Gay, É., Masure, A., Lamotte, J., Clarke, P., Czyzniak, M., Cashmira Kakar, A., Cornelio, D. M., & Citton, Y. (2019). Back office : Design graphique et pratiques numériques = graphic design and digital practices. 3. Fork Éditions, Éditions B42.

Donnot, K., Lantenois, A., Reas, C., & McWilliams, C. (2012). Graphisme en France n°18—Code <> outils <> design (CNAP).

Juhel, Q. (2018). Les outils du design graphique. Sciences du Design, 8(2), 18‑21.

Ludovico, A., Bortolotti, M.-M., & Cramer, F. (2016). La mutation de l’édition depuis 1894. B42.

Masure, A. (2017). Design et humanités numériques. Éditions B42.

Philizot, V., & Saint-Loubert Bié, J. (2020). Technique & design graphique : Outils, médias, savoirs. Éditions B42 Haute école des arts du Rhin.

Notes de bas de page

  1. Masure, A. (2017). Design et humanités numériques. Éditions B42. ↩

  2. travail du commun page 159 ↩

  3. Donnot, K., Lantenois, A., Reas, C., & McWilliams, C. (2012). Graphisme en France n°18—Code <> outils <> design (CNAP). ↩

  4. Blanc, J., Maudet, N., Renon, A.-L., & Grootens, J. (2022). Graphisme en France n°28—Création, outils, recherche(CNAP). ↩

  5. Jollivet, P. (2002). Compte rendu libre de l’ouvrage de Pekka Himanen L’Éthique Hacker, 2001, Exils. ↩

  6. Ludovico, A., Bortolotti, M.-M., & Cramer, F. (2016). La mutation de l’édition depuis 1894. B42. ↩

  7. Donnot, K., Lantenois, A., Reas, C., & McWilliams, C. (2012). Graphisme en France n°18—Code <> outils <> design (CNAP). ↩